Villeroy & Boch, l’Europe avant l’heure
Après notre article sur Jacob Delafon, découvrez la saga de Villeroy & Boch
L’épopée de Villeroy & Boch ne fut pas de tout repos. En effet, peu de sociétés ont vécu d’aussi près les turpitudes de l’histoire franco-allemande. Et encore plus rares sont les entreprises qui, comme le Villeroy & Boch, ont mis le pied si tôt dans une dimension européenne.
Lorsqu’en 1748 François Boch ouvre son premier atelier de poterie en région Lorraine, celle-ci n’est ni française ni allemande, mais une province sous la tutelle de l’ancien roi de Pologne Stanislas Ier.
Quand la Lorraine rejoint le territoire français en 1766, une nouvelle usine voit le jour au Luxembourg. En 1809, Jean-François Boch, rachète l’abbaye de Mettlach dans la Sarre, et propulse l’atelier artisanal au rang de manufacture industrielle. Le site qui est aujourd’hui encore le siège de l’entreprise, invente rapidement des moyens de fabrication révolutionnaires pour l’époque.
Pour contrer ses concurrents anglais, Jean-François Boch, s’allie à Nicolas Villeroy, un négociant lorrain. En 1836, Villeroy & Boch est officiellement créé dans la région de la Saare.
Après 100 ans de développement, Villeroy & Boch exporte ses produits partout en Europe, en Égypte, en Russie et en Amérique du Nord. Ses célèbres “carreaux de Mettlach” et la céramique sanitaire lui confèrent une renommée mondiale. Villeroy & Boch a surmonté toutes les péripéties de l’histoire : de la Révolution française aux campagnes de Napoléon, en passant par les deux guerres mondiales. “Villeroy & Boch a très vite compris qu’ils fallaient s’adapter aux changements politiques et saisir chaque opportunité du marché.
“Faire du beau à bon marché”
Le talent de Villeroy et Boch réside dans sa faculté d’adaptation, à l’heure de la mondialisation. Après son entrée en Bourse en 1998, l’entreprise s’internationalise et le conseil de famille cède sa place à une structure bicéphale, formée d’un comité directeur et d’un conseil de surveillance. Au sein de ce dernier, un certain nombre de sièges est réservé aux membres de la famille. Une ouverture qui permet d’apaiser les tensions qui ont pu exister entre les héritiers. La tradition veut également que les membres de la famille cèdent tôt leurs parts à leurs héritiers. La dilution des parts limite ainsi les blocages, tandis qu’une option d’achat prioritaire aux héritiers assure la continuité familiale de l’entreprise. La réussite de l’entreprise et sa volonté de “faire du beau à bon marché” doit également beaucoup à une politique d’innovation constante. L’utilisation de la force hydraulique, l’invention et la généralisation de machines et de moules en acier, l’impression industrielle de motifs – quand le secteur fonctionnait encore exclusivement sur des techniques artisanales – ont permis à l’entreprise de faire face à la concurrence, notamment anglaise.
Nouveaux marchés
Reste que les mesures prises par la suite par les dirigeants de Villeroy & Boch ont parfois été douloureuses. L’effort continu d’innovation doit aussi permettre des gains de productivité. Ceux-ci conduisent à des plans de restructuration, qui s’accélèrent avec la compression de la demande dans les années 1990. “La technologie a dû être développée à de nombreux niveaux, ce qui a automatiquement conduit à une augmentation de la productivité, sans laquelle nous ne serions plus compétitifs aujourd’hui”, se défend le président du directoire.
En 2003, un dirigeant du groupe prévient: “Nous faisons face à de dures années de crise.” De 13 000 employés en 1992, le groupe n’en compte aujourd’hui plus que 7 500. Des décisions prises “à contrecoeur” par les dirigeants, qui ont parfois suscité la colère des syndicats. Après plusieurs années difficiles, les comptes du groupe sont désormais repassés dans le vert. Aujourd’hui, Villeroy & Boch ne peut plus toutefois compter sur le seul marché européen, qui souffre de son secteur de la construction. Alors que le chiffre d’affaires recule en France et aux Pays-Bas, le groupe est toutefois parvenu à progresser sur certains segments, comme en atteste la progression de 10 % des “Arts de la table” en Allemagne l’an dernier. “Il s’agit au moins de défendre nos positions en Europe et de miser sur les marchés en forte croissance, comme la Russie ou l’Asie-Pacifique”, commente M. von Boch. Un nouveau défi qui n’effraie pas la petite entreprise artisanale passée au rang de leader européen de la céramique.